Le décret n°2025-660 du 18 juillet 2025, publié au Journal officiel, établit comme principe l’instruction conventionnelle des affaires, notamment devant les instances civiles et judiciaires, d’appel et de cassation.
Par cette réforme, le gouvernement opère également une recodification des modes amiables de règlement des différends (MARD), en les réunissant tous au sein du Livre V du Code de procédure civile, dédié à la résolution amiable des différends.
Son entrée en vigueur est fixée au 1er septembre 2025 pour toute instance en cours s’agissant des dispositions relatives aux MARD, et pour les instances introduites à compter de cette date pour les dispositions relatives à la mise en état conventionnelle.
Une nouvelle mission de coopération active du juge avec les parties :
Dans sa nouvelle rédaction, l’article 21 du Code de procédure civile ajoute à la mission de conciliation du juge une mission de coopération active avec les parties. Le juge sera tenu de rechercher le mode de résolution du litige le plus adéquat et pourra dès lors orienter l’affaire vers une issue amiable si celle-ci est envisageable.
La possibilité pour le juge d’agir en faveur d’une résolution amiable apparaît également dans le nouvel article 1528 du Code de procédure civile, qui dispose que les parties pourront tenter de résoudre de façon amiable un litige, notamment à l’aide d’un juge.
Par cette réforme, le juge pourra également déléguer sa mission de conciliateur à un autre professionnel, sauf si un texte l’interdit explicitement ; par exemple, le nouvel article 1071 du Code de procédure civile prévoit qu’en matière familiale, le Juge ne peut déléguer sa mission de conciliation à un conciliateur de justice ; toutefois, il peut proposer aux parties une mesure de médiation.
L’injonction de rencontrer un médiateur ou un conciliateur de justice se généralise :
L’office conciliateur du juge est étayé en ce qu’il est prévu explicitement qu’il pourra inviter et enjoindre les parties à rencontrer un médiateur ou un conciliateur de justice. Dans l’hypothèse où l’une des parties refusera de déférer à l’injonction du juge, celle-ci s’exposera à une amende civile qui pourra s’élever jusqu’à 10.000 euros (article 1533 du Code de procédure civile).
L’injonction de rencontrer un médiateur ou un conciliateur a pour but de permettre aux parties de recevoir gratuitement une information sur la médiation ou la conciliation (modalités, objectifs, coûts) afin de décider ensuite librement de tenter ou non d’y recourir.
Le juge pourra alors, après avoir recueilli l’accord des parties, ordonner la tenue d’une conciliation ou d’une médiation (article 1534 du Code de procédure civile).
La durée initiale de la mission de conciliation ou de médiation est portée à 5 mois (et non plus 3) ; elle peut être prolongée de 3 mois supplémentaires (article 1534-4 du Code de procédure civile).
Une restructuration des dispositions du Livre V relatif aux modes amiables de règlement des différends :
Le Livre V du Code de procédure civile a fait l’objet d’une réorganisation et a été réaménagé pour plus de clarté : désormais, tous les modes amiables de règlement des différends se retrouvent réunis en son sein, et notamment les dispositions relatives à l’audience de règlement amiable (ARA) (articles 1532 et suivants du Code de procédure civile) qui figuraient précédemment aux articles 774-1 à 774-4 du Code de procédure civile.
Un titre préliminaire prévoit des dispositions générales précisant les modalités de recours et les caractéristiques des modes amiables, à l’instar de la confidentialité et ses limites. La conciliation et la médiation font l’objet de deux définitions distinctes, même s’il est regrettable que la distinction entre ces deux modes amiables ne repose que sur la rémunération des deux professionnels.
L’instruction conventionnelle devient la norme :
Pour toute instance introduite à compter du 1er septembre 2025, la mise en état conventionnelle devient le principe. Deux modes d’instruction conventionnelle sont prévus par les nouveaux articles 127 et suivants du Code de procédure civile :
D’une part l’instruction conventionnelle simplifiée, nouveauté du décret, s’analyse comme un accord à durée déterminée peu formalisé, par lequel les parties conviendront ensemble des modalités de l'instruction (échanges, points à débattre, calendrier, option pour une procédure exclusivement écrite, date de clôture…).
En cas d’échec de celle-ci ou d’atteinte aux principes directeurs du procès civil, le juge pourra reprendre la main en prononçant une mesure d’administration judiciaire et pourra rendre un avis de reprise de l’instruction judiciaire. A l’inverse, lorsque les parties trouveront un accord, le juge fixera la clôture de l’instruction et une date de plaidoirie.
D’autre part, la procédure participative de mise en état (qui existait déjà), suppose une convention entre les parties obligatoirement assistées de leurs avocats, en ce qu’il s’agit d’un accord contresigné par avocats. La convention a une durée déterminée et prévoit les modalités de mise en état. Si l’affaire n’est pas prête à être jugée à son terme, l’instruction reprend selon les modalités juridictionnelles classiques.
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Instruction conventionnelle simplifiée |
Procédure participative de mise en état |
Fondement textuel |
Nouveaux articles 129-1 à 129-2 du Code de procédure civile |
Nouveaux articles 130 à 130-7 du Code de procédure civile Articles 2062 à 2068 du Code civil |
Forme |
Un contrat peu formalisé ou des conclusions concordantes |
Un contrat contresigné par avocats |
Temporalité |
Lors de la mise en état de l’affaire |
À tout moment de la procédure |
Durée |
Déterminée par les parties |
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Effet |
Interruption automatique du délai de péremption jusqu’à la survenance du terme fixé par les parties |
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Intervention d’un technicien |
D’un commun accord, les parties pourront décider de faire appel aux services d’un technicien impartial et indépendant pouvant réaliser une expertise amiable ayant la même valeur qu’un avis rendu judiciairement (nouvel article 131-8 du Code de procédure civile). |
Interruption du délai de péremption d’instance et audiencement prioritaire :
Qu’il s’agisse de l’instruction conventionnelle simplifiée ou de la procédure participative de mise en état, le recours à l’une ou l’autre de ces voies aura pour effet commun d’interrompre le délai de péremption de l’instance. Cela permettra également aux parties d’obtenir un audiencement prioritaire de leur affaire.
En outre, la décision du juge qui enjoint de rencontrer un médiateur ou un conciliateur, ou qui ordonne une médiation ou une conciliation en cas d’accord des parties, de même que la convocation à une audience de règlement amiable ou la conclusion d’une mise en état conventionnelle, auront pour même conséquence d’interrompre le délai pour conclure.
Lors de l’instruction conventionnelle, les parties pourront faire intervenir un technicien, choisi d’un commun accord en vertu des nouveaux articles 131 et suivants du Code de procédure civile. L’abrogation de l’article 240 du Code de procédure civile permet au technicien de concilier les parties, outre ses missions techniques. Le technicien est tenu au respect des principes d’impartialité et d’indépendance envers les parties et devra réaliser sa mission avec diligence, ce qui implique qu’il respecte le principe du contradictoire.
Par ailleurs, le juge ne se trouve pas dessaisi de l’instance lors de l’instruction conventionnelle ; il demeure compétent pour connaître toute demande liée à la convention (juger d’un incident, d’une exception de procédure, ou d’une fin de non-recevoir) et ordonner des mesures conservatoires ou provisoires. Si l’instruction conventionnelle aboutit à la mise en état du procès, le juge procédera à la clôture de l’instruction et la procédure se poursuivra jusqu’au prononcé du jugement.
Conclusion : l’avocat, architecte de la stratégie amiable et procédurale
Le décret du 18 juillet 2025 redéfinit les règles du jeu : la résolution amiable n’est plus une alternative, elle devient la règle. Dans ce contexte, le rôle de l’avocat se renforce, s’élargit, se transforme.
✅ Ce que change la réforme :
- L’instruction conventionnelle passe au premier plan.
- Les MARD sont recodifiés, structurés, encouragés.
- Le juge coopère de façon active à la résolution amiable du litige.
🚀 Ce que cela implique pour l’avocat :
- Piloter la stratégie amiable du dossier dès l’origine.
- Sélectionner et organiser le mode de traitement adapté (procédure participative, médiation, audience de règlement amiable, expertise…).
- Coordonner les acteurs tiers (médiateurs, experts, juges).
- Sécuriser le processus du début à la fin : accords, délais, articulation avec l’instance, exécution.
En somme, dans une justice repensée autour de la coopération et de l'efficacité, l’avocat devient la clef de voûte d’une résolution efficiente et rapide des litiges.
Anticiper, orienter, structurer : notre mission est de vous accompagner dans l’identification et la conduite de la stratégie amiable la plus adaptée à votre problématique.
N’hésitez pas à contacter nos experts pour en discuter !
Par Angéline CHAMPANHET