L’origine du COVID 19
Le 11 janvier dernier, une équipe scientifique chinoise parvient à séquencer le génome d’un nouveau virus apparu quelques semaines auparavant dans la province du Hubei [1]. Ce virus, de la famille des coronavirus, a été par la suite baptisé SARS-CoV-2, et est à l’origine de la pandémie de COVID-19 (Maladie à coronavirus 2019) sévissant actuellement.
Bien qu’une multitude d’autres coronavirus circulent régulièrement, causant des maladies bégnines, les épidémies de SRAS (Syndrome respiratoire aigu sévère, agent pathogène SARS-CoV-1) en 2003, principalement en Chine [2], et de MERS (Syndrome respiratoire du Moyen-Orient, agent pathogène MERS-CoV) en 2012, principalement au Moyen-Orient [3], sont encore dans les esprits à cause de leur virulence jusque-là inconnue.
L’apparition de tels virus à tendance épidémique et au fort taux de mortalité a encouragé les chercheurs à analyser le matériel biologique de ces agents pathogènes, notamment afin de développer des vaccins ou des dispositifs de diagnostic.
C’est notamment sur ce point que se fait l’intersection entre biologie et propriété intellectuelle. Bien qu’une découverte ne puisse constituer une invention, une matière biologique ayant une application industrielle, par exemple dans le but de fabriquer un vaccin, peut être brevetable (L611-10 Code de la Propriété Intellectuelle (CPI), alinéa 4).
Dans l’abondance d’informations de ces dernières semaines, un document en particulier, le brevet européen EP1694829 déposé en décembre 2004 par l’Institut Pasteur, le CNRS et l’Université Paris 7 [4], a pu être interprété à tort par le public [5].
Contrairement à ce qui a pu être suggéré, ce document ne concerne pas « l’invention » d’un virus, et en particulier pas celui du virus SARS-CoV-2. En effet, comme cela est décrit dans le préambule du brevet, « la présente invention est relative à une nouvelle souche de coronavirus associé au syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) », faisant référence à l’ « épidémie de pneumonie atypique, dénommée syndrome respiratoire aigu sévère (SARS ou Severe acute respiratory syndrome, SRAS en français) s’est propagée dans différents pays (Vietnam, Hong-Kong, Singapour, Thaïlande et Canada) au cours du premier trimestre 2003, à partir d’un foyer initial apparu en Chine ». .
Plus loin, les inventeurs exposent : « La mise en évidence et la prise en compte de nouveaux variants sont importantes pour la mise au point de réactifs de détection et de diagnostic du SRAS suffisamment sensibles et spécifiques ainsi qu’à des compositions immunogènes aptes à protéger des populations contre des épidémies de SRAS. Les Inventeurs ont maintenant mis en évidence une autre souche de coronavirus associé au SRAS, […]. ». L’objectif des recherches menant à ce brevet n’était donc pas la création d’une nouvelle souche de coronavirus, comme cela a également été clairement expliqué par l’Institut Pasteur dans un récent communiqué [6]. D’ailleurs, la création d’un virus tel que le SARS-CoV-1 serait de toute évidence exclue de la brevetabilité pour cause d’« atteinte à l’ordre public et aux bonnes mœurs », comme cela est spécifié à l’article L611-17 CPI, ou encore l’article 53 CBE (Convention sur le Brevet Européen).
Information des publications de brevet : SARS-CoV, chloroquine, azithromycine
La littérature brevet regorge d’inventions en lien avec la recherche scientifique, et particulièrement dans les domaines de la biologie et de la pharmaceutique. En utilisant, le moteur de recherche de google patent spécialement dédié au brevet, on obtient environ 3000 résultats avec le mot clé SARS-CoV.
En allant plus loin, on retrouve des publications brevet faisant le lien entre SARS-CoV et chloroquine (immunomodulateur et anti-inflammatoire utilisé comme antipaludique), parfois couplé à l’azithromycine (antibiotique). Ces deux composés ont été récemment cités par de nombreuses sources comme traitement « miraculeux » contre la maladie Covid-19 [7].
La lecture de la littérature brevet, tout comme celle des publications scientifiques, permet de s’apercevoir que l’utilisation de ces molécules est explorée depuis plus d’une décennie, et leur utilisation aujourd’hui en tant que traitement antiviral ne serait pas une nouveauté.
Par exemple, la demande internationale WO2015/157223, déposée le 7 avril 2015, a donné lieu à la délivrance d’un brevet aux Etats-Unis [8]. Ce document mentionne aux figures 3A à 3C une inhibition du MERS-CoV et du SARS-CoV avec la chloroquine.
L’efficacité d’un tel traitement contre le Covid-19 n’est pour le moment pas encore pleinement démontrée, bien qu’une étude ait été récemment publiée par une équipe de chercheurs de l’IHU Méditerranée [9], supervisée par le Professeur Didier Raoult, qui vise à démontrer son efficacité. Quelle que soit la validité de cette étude suscitant d’houleux débats au sein de la communauté scientifique, il est utile de préciser que la méthode de traitement proposée par l’équipe du Professeur Raoult ne saurait faire l’objet d’un brevet, les méthodes thérapeutiques et de diagnostic étant exclues de la brevetabilité au sens de l’article L611-16 CPI en France, ainsi que de l’article 53 CBE en Europe.
De plus, cet exemple d’actualité permet de rappeler que toute invention ayant fait l’objet d’une divulgation au sens de l’article L611-11 CPI (article 54 CBE en Europe), c’est-à-dire par le biais d’une divulgation écrite ou orale accessible au public, ou par usage public, ne saurait être brevetable, le critère de la nouveauté n’étant pas respecté. Dans l’hypothèse d’un traitement large de la population à l’aide d’hydroxychloroquine (forme commercialisée de la chloroquine), c’est précisément un tel usage public qui serait divulgué.
La crise sanitaire actuelle est un moment fort pour la recherche scientifique et le secteur pharmaceutique. Cependant, la littérature des brevets paraitra seulement dans 18 mois puisqu’une demande de brevet est publiée 18 mois après son dépôt. Elle sera témoin de l’activité de recherche d’aujourd’hui.
Si vous souhaitez de plus amples informations, n’hésitez pas à nous contacter.
Jan BERTRAM
Ingénieur Brevets
Tangui DERRIENNIC
Conseil Brevets
Mandataire Européen