Par Ghislain LAURIN
L'enveloppe Soleau, du nom de son inventeur Edouard Soleau, est un moyen traditionnel reconnu en France depuis 1910 pour créer une preuve de l’antériorité d’une création intellectuelle. Ce dispositif géré par l’Institut National de la Propriété Industrielle (INPI) a la réputation d’être simple et économique.
Le but de l’enveloppe Soleau est de permettre aux inventeurs et créateurs de prouver qu’ils sont à l'origine d'une invention ou plus généralement d’une création, à une date donnée. L’enveloppe Soleau n'octroie pas un droit de propriété intellectuelle comme le fait un brevet, un dessin, un modèle ou une marque, mais elle constitue un élément de preuve important quant à la date d’une création. Ce moyen de datation concerne les idées brevetables, bien sûr, mais aussi toute création non brevetable par nature (concepts, scénarii, manuscrits, créations graphiques, etc.), et plus généralement toute information que l’on souhaite dater de manière probante.
Le fonctionnement de l'enveloppe Soleau, sous sa forme telle qu’on la connaît depuis plusieurs décennies, est simple. Elle se présente sous la forme d’une enveloppe possédant deux compartiments indépendants. L’utilisateur place une description de sa création (par exemple une invention) dans chacun des compartiments, scelle l’enveloppe et l’envoie ou la dépose à l’INPI. L’enveloppe est alors datée par perforation. L’INPI conserve un compartiment scellé pendant une durée initiale de cinq ans, renouvelable une fois pour la même durée, permettant ainsi de conserver une preuve pendant dix ans au total.
Cependant, l'utilisation de l'enveloppe Soleau présente certains inconvénients. Le document inséré ne doit pas être retiré de son compartiment, sous peine de rendre l'ensemble du dispositif nul et non avenu. En outre, le nombre de pages pouvant être insérées dans l’enveloppe est limité.
Ainsi, au fil du temps, l'enveloppe Soleau a évolué pour s'adapter à l'ère numérique. L’INPI a mis en place depuis 2011 l'e-Soleau, une version numérique de l'enveloppe Soleau traditionnelle, permettant de déposer en ligne les créations avec la même valeur probante qu’une enveloppe papier. L’e-Soleau est déposée lors d’une démarche dématérialisée et l’INPI réalise un stockage sécurisé des données.
Depuis le début du mois avril 2024, des évolutions importantes de ce système sont intervenues.
Depuis le 1er avril 2024, il est ainsi impossible d'adresser des enveloppes Soleau « papier » à l'INPI (on ne pouvait d’ailleurs plus en commander depuis le 1er avril 2023). Les enveloppes conservées à l’INPI le restent bien évidemment, pour la durée prévue, mais l’enveloppe Soleau physique va ainsi progressivement disparaitre.
L’e-Soleau, qui devient le seul service de datation certaine proposé l’INPI, évolue également.
Depuis le 8 avril 2024, la durée de conservation de l’e-Soleau n’est plus limitée à 10 ans au maximum (5 ans renouvelés pour une période de 5 ans), mais passe à 20 ans. La durée de conservation initiale reste de 5ans, mais peut être prorogée par tranches de 5 ans jusqu’à 20 ans au maximum. Ces prorogations peuvent être demandées dès le dépôt de l’e-Soleau, ou au fur et à mesure. La redevance correspondante est celle en vigueur à la date où la prorogation est demandée.
En outre, la taille de l’enveloppe, qui était encore dernièrement limitée à 20Mo par fichier et 100 Mo au total, passe à 2Go au total (a priori sans limite particulière par fichier), et jusque 100 fichiers peuvent être inclus dans une même e-Soleau. Le service e-Soleau permet aussi désormais d’horodater des fichiers de plus de 2Go, mais dans ce cas l’utilisateur du service doit conserver lui-même une copie du fichier, qui ne doit subir aucune modification ultérieure.
Il est également désormais possible de modifier le ou les titulaires de l’e-Soleau sur justificatif. Cette nouvelle possibilité devra néanmoins être exercée avec discernement. En particulier, le droit de possession personnelle antérieure ne pouvant être transmis qu’avec le fonds de commerce, l'entreprise ou la partie de l'entreprise auquel il est attaché, le seul transfert d’une e-Soleau n’est normalement pas de nature à transférer un droit de possession personnelle antérieure.
Enfin, l’e-Soleau peut désormais former une convention d’entiercement, qui permet la mise à disposition de son contenu à un ou plusieurs bénéficiaires en cas de réalisation d’une condition (échéance d’une certaine date, faillite ou cessation d’activité du Titulaire, ou défaillance du Titulaire).
L’INPI fait ainsi favorablement évoluer l’e-Soleau et en augmente les applications, dans un contexte où les solutions d’horodatage de données se sont considérablement développées. Certains organismes proposaient déjà depuis plusieurs années des systèmes d’enregistrement à date certaine de fichiers, similaires à l’e-Soleau mais pour une durée supérieure. En outre, de nombreux services d'horodatage offrent depuis quelques années la possibilité de créer un enregistrement numérique horodaté, générant des certificats utilisant des technologies sur la base de la blockchain, pour garantir l'existence de fichiers à un moment donné.
Grâce à ces évolutions, l’e-Soleau renforce son attrait pour les créateurs comme premier pas vers une protection. La datation certaine offerte par l’e-Soleau, ou tout autre moyen, peut être complétée dans un second temps par le dépôt de titres de propriété industrielle. Une telle datation crée une preuve solide dans le cadre d’une procédure judiciaire, ou dans le cadre de négociations, qui permet de démontrer la paternité et l’antériorité d'une création, par exemple d’une invention.
Le choix du moyen de datation dépend des circonstances spécifiques, de la nature de la création, de l’objectif visé, et de questions budgétaires.
Nos experts se tiennent à votre disposition pour vous assister dans la constitution de vos droits, à commencer par l’horodatage de vos créations par le moyen le plus approprié.