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Par Sabrina PAVAGEAU et Ghislain LAURIN

 

L’accord relatif à une juridiction unifiée du brevet (AJUB) est entré en vigueur le 1er juin 2023. Cet accord a instauré le brevet européen à effet unitaire et la juridiction unifiée du brevet (JUB).[1]

Outre des changements au niveau de la législation sur les brevets européens (demande d’effet unitaire, requête en dérogation à la compétence exclusive de la JUB ( « opt-out ») pendant une période transitoire de sept ans (renouvelable)…), l’entrée en vigueur de l’AJUB a également impliqué des changements au niveau de la législation sur les brevets français. 

En effet, l’ordonnance n°2018-341 du 9 mai 2018[2] relative au brevet européen à effet unitaire et à la Juridiction unifiée du brevet a modifié les articles L614-13 et L614-14 du Code de la Propriété Intellectuelle (CPI), et a créé un nouvel article, l’article L614-16-3 CPI, relatifs au cumul de protection d’un brevet français et d’un brevet européen. 

Pour rappel, avant l’entrée en vigueur de l’AJUB, l’article L614-13 CPI disposait que : 

« Dans la mesure où un brevet français couvre une invention pour laquelle un brevet européen a été délivré au même inventeur ou à son ayant cause avec la même date de dépôt ou de priorité, le brevet français cesse de produire ses effets soit à la date à laquelle le délai prévu pour la formation de l’opposition au brevet européen est expiré sans qu’une opposition ait été formée, soit à la date à laquelle la procédure d’opposition est close, le brevet européen ayant été maintenu ». 

En d’autres termes, le cumul de protection entre un brevet français en un brevet européen n’était pas possible et le brevet français cessait de produire ces effets à compter de la date d’expiration du délai d’opposition (ou de la date de clôture de la procédure d’opposition) du brevet européen, pour ce qui concerne la portée commune entre le brevet français et le brevet européen portant sur la même invention.

Depuis l’entrée en vigueur de l’AJUB, l’article L614-13 CPI dispose que (les modifications apparaissent en surligné) :

« I.- Dans la mesure où un brevet français couvre une invention pour laquelle un brevet européen a été délivré au même inventeur ou à son ayant cause avec la même date de dépôt ou de priorité, et où le brevet européen a fait l'objet d'une dérogation à la compétence exclusive de la juridiction unifiée du brevet, en application du paragraphe 3 de l'article 83 de l'accord relatif à une juridiction unifiée du brevet, le brevet français cesse de produire ses effets :

1° Soit à la date à laquelle le délai prévu pour la formation de l'opposition au brevet européen est expiré sans qu'une opposition ait été formée ; 

2° Soit à la date à laquelle la procédure d'opposition est close, le brevet européen ayant été maintenu ;        

Soit à la date à laquelle la dérogation est inscrite au registre en application du paragraphe 3 de l'article 83 de l'accord précité lorsque cette date est postérieure à celles mentionnées aux 1° et 2°. 
Toutefois, lorsque le brevet français a été délivré à une date postérieure à l'une de celles qui sont fixées aux 1° à 3°, ce brevet ne produit pas d'effet.

(…)

II.-Lorsque le brevet européen n'a pas fait l'objet d'une dérogation à la compétence exclusive de la juridiction unifiée du brevet, en application du paragraphe 3 de l'article 83 de l'accord relatif à une juridiction unifiée du brevet, le brevet français continue à produire ses effets. »

 

L’article L614-16-3 CPI nouvellement créé dispose quant-à-lui que :

« Un brevet français peut couvrir une invention pour laquelle un brevet européen à effet unitaire a été délivré au même inventeur ou à son ayant cause avec la même date de dépôt ou de priorité. »

Ainsi, ces articles prévoient un cumul de protection possible entre un brevet français et un brevet européen sur le territoire français, dès lors que le brevet européen est soumis ou peut être soumis à la compétence de la JUB, ou, autrement dit, qu’il s’agit d’un brevet européen à effet unitaire (soumis à la compétence exclusive de la JUB) ou d’un brevet européen pour lequel un opt-out n’a pas été requis.

On parle d’un cumul « possible » dans la mesure où il suppose que le titulaire maintienne en vigueur le brevet français et la partie française du brevet européen correspondant par le paiement des redevances annuelles dues pour chacun des deux brevets.

En résumé :

  1. le cumul de protection entre un brevet français et un brevet européen n’ayant pas fait l’objet d’une requête d’opt-out est possible;
  2. le cumul de protection entre un brevet français et un brevet européen à effet unitaire est possible;
  3. par contre, le cumul de protection entre un brevet français et un brevet européen ayant fait l’objet d’une requête d’opt-out n’est pas possible. 

Dans le cas évoqué au point c) ci-dessus, la date à laquelle le brevet français cesse de produire ses effets dépend de la date de dépôt de la requête d’opt-out pour le brevet européen.

Lorsque la requête d’opt-out est déposée avant la date d’expiration du délai d’opposition (ou à la date de clôture de la procédure d’opposition), le brevet français cessera de produire ces effets à compter de la date d’expiration du délai d’opposition (ou de la date de clôture de la procédure d’opposition) du brevet européen.

Lorsque la requête d’opt-out est déposée après la date d’expiration du délai d’opposition (ou à la date de clôture de la procédure d’opposition) du brevet européen, le brevet français cessera de produire ces effets à compter de la date de dépôt de la requête d’opt-out.

Ces changements dans le principe de cessation des effets du brevet français au profit de la partie française du brevet européen portant sur la même invention ont des conséquences importantes sur la pratique établie de longue date.

En premier lieu, le principe par défaut, en l’absence d’action du titulaire, devient la coexistence du brevet français et du brevet européen avec cumul de leur protection, tandis que la substitution du brevet européen au brevet français devient l’exception. En effet, seuls les brevets européens (sans effet unitaire) qui ont fait l’objet d’une requête d’opt-out entraînent désormais la cessation des effets du brevet français, pour leur portée commune.

A terme, le cumul de la protection du brevet français et du brevet européen deviendra systématiquement possible. En effet, la dérogation à la compétence exclusive de la JUB ne sera possible que pendant période transitoire de sept ans (renouvelable une fois) qui a commencé avec l’entrée en vigueur de l’AJUB.

On considère souvent que l’un des inconvénients pour le titulaire d’un brevet européen d’une action devant la JUB réside dans le fait que son brevet peut être annulé, en une seule action centralisée, dans tous les pays membres de l’AJUB. Pour le titulaire d’un brevet français et d’un brevet européen correspondant, cet inconvénient est désormais atténué par la subsistance du brevet français en cas d’annulation du brevet européen correspondant par la JUB.

C’est d’ailleurs l’objectif énoncé dans le Rapport au Président de la République relatif à l'ordonnance n° 2018-341 du 9 mai 2018[3]. Il y est indiqué que l'objectif poursuivi par le cumul de protection est de renforcer la sécurité juridique des titulaires de brevets lorsqu'une contrefaçon est commise uniquement en France, [en évitant que ] lorsqu'une contrefaçon n'est pas commise sur le territoire d'autres Etats membres, le titulaire d'un brevet européen soit contraint de saisir d'une action en contrefaçon la juridiction unifiée du brevet sur la base de son brevet européen avec un risque d'annulation du titre pour l'ensemble des pays couverts.

La validité du brevet français perdurant après l’annulation du brevet européen correspondant pourrait bien évidemment être remise en cause, mais cela suppose une action supplémentaire devant les juridictions françaises.

En outre la procédure de limitation prévue à l’article L613-24 CPI pourrait, le cas échéant, être alors envisagée pour limiter l’objet revendiqué par le brevet français de sorte que sa validité soit moins aisément contestable.

Par ailleurs, dans sa nouvelle rédaction, l’article L614-13 CPI précise que le retrait de dérogation effectué en application du paragraphe 4 de l'article 83 de l'accord relatif à une juridiction unifiée du brevet n'affecte pas la cessation des effets du brevet français.

Cet alinéa vise la possibilité de retirer un opt-out, afin de soumettre un brevet européen à la compétence exclusive de la JUB. Néanmoins, un tel retrait de l’opt-out ne restaure pas la situation telle qu’elle aurait été si aucune requête d’opt-out n’avait été déposée. En effet, la cessation des effets du brevet français perdure.

La décision de requérir un opt-out pour un brevet européen n’est ainsi pas dénuée de conséquences pour le brevet français dont la portée correspond en tout ou partie à celle de ce brevet européen. Il n’apparait ainsi pas opportun de requérir un opt-out pour tous les brevets européens (en particulier pour ceux pour lesquels un brevet français correspondant n’a pas encore vu ses effets cesser) en estimant à tort que cette décision serait totalement réversible par le retrait de l’opt-out.

En conclusion, les évolutions du CPI faisant suite à l’entrée en vigueur de l’AJUB permettent le cumul de la protection par le brevet français et le brevet européen correspondant, sauf à soustraire le brevet européen à la compétence exclusive de la JUB.

Cela permet d’envisager de nouvelles stratégies de protection pour le titulaire d’un brevet français, sachant notamment que le brevet français pourra perdurer et continuer à produire ses effets même si le brevet européen correspondant, à effet unitaire ou non, venait à être annulé par une décision de la JUB.

Enfin, avant de requérir un opt-out, il convient d’envisager au cas par cas la perte d’opportunité de cumul de protection que cela peut entraîner.

 

 

 

 

[1] Nous vous renvoyons à ce sujet à nos brèves antérieures

[2] https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000036887984/

[3] https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000036887962/

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